Wisconsin, Mary Relindes Ellis

Wisconsin, Mary Relindes Ellis


aAaah enfin, j’ai fini par fouler une terre qui m’a fait voyager, merci…  Après plusieurs égarements du côté de l’archipel des Hébrides j’ai traîné mes savates en direction du Wisconsin, et punaise ! y’a quand même quinze heures de vol depuis l’île de Lewis jusque là bas, sans compter qu’il faut finir à pied pour trouver le coin paumé où vivent les Lucas et les Morriseau…

Mais ce n’est pas grave, on vire ses vieilles savates pour enfiler des baskets - sans rechigner s’il vous plaît - et on se lance sur les chemins, vous verrez, l’effort du lecteur-marcheur est récompensé par une belle découverte. Ouf ! Après avoir enchaîné les déceptions ça m’a fait du bien de tomber enfin sur une lecture à la hauteur de mes espérances. D’autant plus qu’en ce moment j’ai un moral de m**** (attention, euphémisme) et forcément, du coup, je suis encore plus friande d’évasion littéraire. Alors merci Mary pour ce roman noir qui malgré sa dureté laisse filtrer une jolie lumière, comme un feu-follet sur les marais. Au fil des pages on apprend qu’on peut mourir à petit feu ou à grand feu (sans jeu de mot hélas), qu’on peut rester ou partir mais que dans tous les cas ça va mal aller, on s’interroge sur la perte, le deuil, l’hérédité, l’enfance brisée, la solitude et les destins calamiteux. On se prend aussi en pleine face l’immense dégueulasserie qu’est la guerre. Le Viêt-Nam. Rien que d’entendre ce nom je sens comme une odeur de napalm, pas vous ? 

Et les personnages, que dire ? Ils sont tous attachants (sauf Lucas père bien entendu) mais franchement, c’est le club des vies brisées par là-bas ! En effet, pour diverses raisons, tout le monde en chie dans ce bled, et pas qu’un peu. Mais heureusement, l’auteur ne verse pas dans le misérabilisme, pas de “gnagnagni gnagnagna” et ça, ça me plaît.

Voilà voilà, pas très réjouissant tout ça vous me direz. Et pourtant, j’ai dévoré ce livre magnifique qui distille un lumineux désespoir et j’ai du mal après ça à quitter le Wisconsin… 

Lisez-le et vous découvrirez un roman qui prouve que parfois ça fait mal mais ça fait du bien - et je vous prierais de bien vouloir ne pas tirer de conclusions hâtives de cette dernière phrase ;)


Une p'tite phrase au hasard : 

" On n'a pas besoin de mourir pour perdre la vie."

Quatrième de couverture : La famille Lucas vit dans le nord du Wisconsin, belle terre oubliée peuplée d'ouvriers européens immigrés et d'Indiens Ojibwés. En 1967, le père, John Lucas, miné par l'alcool, laisse leur ferme se délabrer et s'acharne violemment contre sa femme et ses deux fils ; l'aîné, James, fuit les coups en écoutant Elvis et s'engage dans les marines. Il est dirigé vers les jungles de guerre vietnamiennes. Bill, le cadet, reste pour protéger sa mère, guidé seulement par l'esprit de son frère. Heureusement, dans la ferme voisine, les Morriseau veillent sur lui et le soutiennent pendant le périlleux passage de l'enfance à l'âge d'homme. Les enfants ont un tel instinct de survie, nous dit Mary Relindes Ellis dans ses descriptions magnifiques des paysages du Midwest américain, qu'ils trouvent dans la nature ce que leur environnement familial leur dénie. Et comme les anciens Ojibwés le savent depuis longtemps, ils y trouvent aussi la sagesse et la clairvoyance. Mary Relindes Ellis signe ici un premier roman étonnant, obsédant, lyrique et rédempteur dans la lignée d'un Sherwood Anderson ou d'un Russell Banks.

Commentaires

  1. Une lecture dure, coup de poing qui prend aux tripes. Une bouffée du Wisconsin qui fait un bien fou, que j'irais bien déterré quelques bouteilles de whisky...

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    1. Encore une fois, pourquoi ça ne m'étonne pas ? Prends une bonne pelle et zou, file au fond du champ ;)

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