Son frère, Philippe Besson

Son frère, Philippe Besson

Il y a le test des trois jours, le test des sept jours et après, bien après, il y a le test de l'inoubliable. Vu que j'ai tellement traîné pour écrire ce billet - vacances obligent - je peux déjà vous dire que Son frère passe le test des sept jours. Les doigts dans le nez en plus.
Vous l'aurez compris, il ne s'agit pas d'un test de grossesse, pas d'un éthylotest non plus, non je parle tout bêtement de ce qu'il reste d'un livre une fois qu'on l'a fini, qu'on a laissé passer un peu de temps, qu'on a lu trois ou quatre autres livres derrière, bref les petites particules ou les traces qu'on va garder de sa lecture.

Alors attention, sortez vos kleenex, parce que si Son frère laisse des traces c'est au niveau lacrymal que ça se passe. Pour ma part je vais en garder un mélange plutôt diffus d'émotions, d'impressions mais aussi d’images. Beaucoup d'images d'ailleurs, c'est étrange, un peu comme si j'avais vu et pas lu ce livre. C'est parce qu'il m'a parlé, parce qu'il a touché une corde sensible. Je n'ai jamais mis les pieds sur l'île de Ré, mais au fil des pages j'ai eu plein d'images en tête, des images de l'île de Noirmoutier que j'aime beaucoup et que j'imagine très proche de sa cousine bon chic bon genre. Donc voilà, j'ai beaucoup aimé l'atmosphère de ce roman. Ça c'est pour la partie bleue.

Après, même si ce n'est pas Molène où l’on voit sa peine ni Ouessant où l'on voit son sang, ça reste l'Atlantique, ce grand océan insoumis, et avec Philippe Besson on découvre que sur l'île de Ré aussi on peut voir sa fin. C'est d'ailleurs précisément ce qui se passe dans cette histoire : Thomas et Lucas s'installent dans la maison de vacances familiale mais pas pour un petit séjour balnéo aux parfums d'enfance, non, ils se préparent à traverser le Styx. Cependant, comme chacun sait, il n'y a qu'une place sur la barque de Charon, l'un des frères va donc devoir rester sur le quai...
On le sait avant même d'ouvrir le livre, c'est Thomas qui embarque, Thomas qui paye son obole et Thomas qui ne reviendra plus. Lucas pourtant est aussi du voyage, une partie de lui s'en va pour toujours, la partie dans laquelle il est un frère, celle dans laquelle il a un frère, avec ça il perd à jamais un morceau de sa vie car notre enfance survie uniquement dans la mémoire de ceux qui l'ont partagée. Et qui mieux qu'un frère peut se rappeler de qui on était ? Qui mieux qu'un frère sait ce qu'on sait, ce qui nous a constitué à la base ? Personne. Thomas meurt et Lucas renaît amputé, fils unique, armé de sa seule mémoire pour se souvenir. De tout. De rien. De la vie. 

Au delà de l'île, il y a bien d'autres images qui sautent aux yeux et à la gorge dans ce livre, la maladie, la souffrance, le chagrin. Je vous passe les détails, les allers-retours entre l'hôpital et la maison, entre le refus, l'espoir, l'envie de se battre ou la résignation, la diminution physique, la maigreur affolante et les traitements insupportables. Ceux qui n'ont pas accompagné quelqu'un qui s'efface petit à petit ne peuvent pas savoir. C'est pour ça que Son frère m'a tellement touché, c'est pour ça qu’il m'en restera forcément une trace...

Avec cette histoire forte et pudique à la fois, ce chant funèbre qui est surtout un cri d'amour Philippe Besson a su parler à mon cœur. Je ne regrette pas de lui avoir donné cette seconde chance après une première expérience très décevante, si la dernière fois je n'avais pas vu la mer, cette fois ci j'ai trouvé l'océan et l'humain. Son frère est un vrai beau livre.


Une p'tite phrase au hasard : 

"Sans doute a-t-il été trop tard, dès le commencement."

Quatrième de couverture : Ils sont deux frères, jeunes encore, réunis une dernière fois face à la mer, face à la mort. Thomas est malade. Lucas l’accompagne pour une ultime escapade dans l’île de Ré, sur les terres de leur enfance. Un banc au soleil. Entre retrouvailles et chant du départ, chaque minute, désormais, mérite d’être vécue jusqu’au bout.

« Un superbe et lumineux chant funèbre.» Hugo Marsan, Le Monde

Île de Ré

Commentaires

  1. Pour le moment, ma plus belle expérience Besson... Une histoire forte et pudique comme tu le dis si bien...

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    1. C'est aussi ma plus belle expérience Bessonesque, en même temps c'est seulement la seconde (mais entre nous j'ai du mal à croire que c'est la même personne qui a écrit les deux livres tant je n'ai pas aimé l'autre).

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    2. Je n'en suis qu'à trois...

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