Balistique, D. W. Wilson

Balistique, D. W. Wilson

Il y a tellement de non-dits dans cette histoire qu’on se demande comment l’auteur a pu écrire autant de pages, mais - vous le savez certainement - il y a des silences qui en disent long, il y a des mots qui se bousculent au fond de la gorge sans parvenir à en sortir mais qu’on entend quand même.

David William Wilson a l’oreille si fine qu’il a su entendre ces voix, et - chose plus difficile encore - il a su raconter ces gens, ces vies, avec des mots choisis et percutants, des mots qui partent comme des balles de fusil. Le titre, un peu déroutant de prime abord, est donc très pertinent. Pour rappel : Balistique, n. fem. - Sciences qui étudie les mouvements des projectiles, essentiellement d'armes à feu, dans l'espace.
Et c’est ce qui se passe ici : le lecteur est conduit dans le sillage d’un projectile qui traverse l’espace et le temps et ricoche sur les personnages, les reliant entre eux par un fil invisible certe mais aussi attachant qu’une paire de menottes. Ce projectile, c’est la balle de fusil que Jack tire dans le mollet d’Archer au début du roman. Aucun des protagonistes ne le sait encore à ce moment là, mais à mon sens c’est là que tout commence, cette balle - dont la trajectoire semble pourtant clairement limitée à cet instant T - n’en finira pas de s’élancer vers sa cible finale qu’on voit se dessiner petit à petit au fil des pages. Mais attention, tout n’est pas si simple, tout n’est pas si droit, cette trajectoire - défiant toutes les lois de la balistique mais aussi de la physique - est pleine de courbes, de rebonds, voire de demi-tours, un peu comme un boomerang. La balle ne va épargner personne. Dommages collatéraux ? Coup du destin ? Nous ne le saurons pas. Il y a d’ailleurs plein de choses que nous ne saurons pas dans cette histoire, il faut s’en faire une raison. Oui, si vous aimez les romans linéaires, avec un début et une fin identifiés, cette lecture va vous dérouter. En effet, la construction est plutôt enchevêtrée, on se mélange un peu les pinceaux entre les époques, le récit passe du road trip d’Alan parti à la recherche de son père au milieu de paysages incendiés à l’évocation des souvenirs d’Archer depuis sa rencontre avec Cécil et Jack jusqu’au moment où tout explose - amour, amitié, famille - ce moment étant le nœud de l’histoire, là où tout s'emmêle, là où les gens se séparent tout en restant liés à jamais par ce fameux fil invisible. Même en se concentrant, il est impossible de ne pas perdre pied à un moment où à un autre, c’est le petit bémol de ce livre mais pour ma part j’ai tout pardonné car j’ai été aspirée dans cette histoire dès les premières lignes.

Il est question ici de la complexité des relations humaines, d’amitiés viriles, d’amours contrariés, de fierté mal placée, de blessures anciennes et de la difficulté à communiquer même (et surtout) avec ceux qui nous sont proches. Le décor est en accord avec les personnalités fortes qu’on y croise, un bout de Colombie-Britannique perdu au milieu des montagnes et ravagé par les flammes, sauvage, grandiose et étouffant à la fois. Tout est là pour nous faire voyager : les grands espaces, la route à perte de vue, l’odeur du whisky et le chien à l’arrière du pick-up. Franchement, n'hésitez pas à vous laisser embarquer, ça vaut vraiment le coup… 


Une p'tite phrase au hasard : 

"La vérité la plus triste de toutes, c'est que soit on perd ceux qu'on aime, soit ce sont eux qui nous perdent."

Quatrième de couverture : « Comment tout a commencé – bonne question. Qui équivaut à demander quand, exactement, la balle s’élance vers sa cible. Quand elle jaillit de la gueule du fusil ? Quand j’appuie sur la détente ? Au moment où le vendeur de l’armurerie va chercher le carton de munitions dans sa vitrine ? ».
Alan West est au chevet de son grand-père, qui lui confie une dernière volonté : revoir son fils. Alan se lance alors dans un road trip sauvage en quête de ce père qu’il n’a jamais connu. S’éveilleront sur son chemin les fantômes du passé, les traumatismes nés de la guerre du Vietnam et les amitiés brisées. Les incendies font rage dans les Rocheuses canadiennes, et les cœurs des hommes aussi sont prêts à s’embraser.
D’une écriture tour à tour rugueuse et poétique, Balistique signe l’irruption de la tragédie grecque dans le nature writing.

Commentaires

  1. Gros gros coup de coeur pour ce roman complètement passé inaperçu. Et c'est vraiment dommage...
    Ne serait-ce que pour sa palette de personnages et pour la Colombie-Britannique. Celui-là, je veux le relire.

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    1. C'est sur ton blog que j'ai trouvé ce livre, merci :)

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    2. Une chance que tu y étais passée! :)

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