Aquarium, David Vann
Dis monsieur, s'il vous plaît... dessine-moi un poisson.
HuUuum oui, le début de l’histoire c’est un peu ça, comme la petite sœur du Petit Prince qui irait à l’aquarium au lieu d’aller sur une autre planète et qui préférerait les poissons aux moutons (ben oui, chacun ses goûts). Donc au début j’ai eu un peu peur, je l’avoue. Peur ne pas retrouver la “touche Vann” que j’aime tant.
Je me suis dit ben mince alors, on dirait que cette fois David Vann sort de sa zone d’inconfort, qu’est-ce que ça va donner, est-il capable d’écrire autre chose ?
Mais stoOooop pas de panique !!! Fausse alerte ! C’est bien le David Vann que nous connaissons qui a écrit ce livre et malgré de jolies petites illustrations, ces petits dessins de poissons et autres créatures marines qui décorent ses pages, ce roman - au-delà des eaux troubles d’un aquarium - nous plonge dans un charmant petit festival des horreurs. Ouf, on ne s’éloigne pas trop finalement de la zone d’inconfort…
Certes, le roman change un peu des productions habituelles de l’auteur mais il trouve quand même le moyen de poursuivre son règlement de compte familial. Avec lui c’est toujours un peu le jeu des sept familles : dans la famille Aquarium, je demande la mère (oulala un sacré cas celle-là), toujours dans la famille Aquarium je demande la grand-mère (madre mia protégez moi) ou alors le grand-père (ah non, pas dans la même main, la mère risque de le tuer), avant ça on aura pu demander dans la famille Impurs la mère (barrée elle-aussi) ou le fils (no comment), dans la famille Sukkwan Island sans hésiter le père (planquez-vous) et pourquoi pas dans la famille Désolations demander la mère (aïe !), ou le père (aïe aïe aïe), ou encore la fille (eh oui, vas-y paye les pots cassés).
Bref, j’en oublie. Mais David Vann lui n’oublie rien. Chaque livre qu’il écrit lui sert à décrypter le mensonge familial et à faire voler en éclat des équilibres déjà plus que précaires, dans chaque livre aussi il faut que quelqu’un paye. Et le prix est toujours élevé. C’est comme ça. On ne se remet pas de son enfance. Jamais. Personne. Qu’on se le mette une bonne fois pour toute dans le crâne.
Cette fois pourtant on sent poindre une petite lueur d’espoir et quelques bulles de légèreté, comme un poisson phosphorescent qui péterait dans un aquarium (admirez la poésie de l’image s’il vous plaît !).
C’est vrai, avec ce roman on est plus proche de la fable ou du petit conte noir que de la tragédie habituelle, et - malgré un corps en décomposition qui trône au milieu du salon (si si je vous assure) - il faut bien admettre que l’on trouve pas mal de poésie dans ces pages.
Par ailleurs, on est content de voir que David Vann semble avancer dans son écrito-thérapie : il a l’air un peu apaisé, peut-être entrevoit-il la possibilité d’une rédemption ? Affaire à suivre. Mais méfions-nous tout de même de l’eau qui dort et des poissons d’eau douce…
Pour ma part, j’ai beaucoup aimé cette lecture et après le petit quart d’heure de flottement à l’entrée de l’aquarium j’ai enfilé mon scaphandre pour regarder plus bas. C’est là la force de ce livre à mon avis, ce faux air d’innocence au milieu des poissons tropicaux qui fait qu’on se ramasse de plein fouet la boue qui traîne forcément toujours quelque part au fond.
Une p'tite phrase au hasard :
"Ne me laisse jamais te donner l'impression que mes problèmes sont de ta faute."
Tu écris tellement bien. C'est toujours un pur ravissement de te lire. Vraiment. Pour ma part, c'est la première fois qu'un roman de Vann me soit tombé des mains. Je suis rentrée dans l'aquarium, mais n'en suis pas sortie. J'ai abandonné après la rencontre entre la gamine et le vieil homme. Je n'ai pas trouvé le même malaise qu'avec "Impurs", "Désolations" et ""Présenté ainsi, tu me fais regretter de ne pas avoir continué. Je vais devoir y revenir.
RépondreSupprimeret "Sukkwan Island"!
SupprimerLe malaise vient après oui, pas très loin, mais après. Tu retenteras peut-être plus tard, parfois c'est juste une histoire de timing
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