Seules les bêtes, Colin Niel

Seules les bêtes, Colin Niel


Alors ce livre, ça dépend dans quel sens tu l’attrapes. Tu le prends par derrière, ça fait tilt, avec moi c'est sûr c'est assez simple, rien que de voir le mot “causse”, je fonce. J’aime bien aussi le ciel qui écrase les vivants, la montagne sauvage, les naufragés de la solitude et la misère dans le cœur de l’homme. De la perspective hein ! Après, tu le retournes et tu le prends par devant, ben là, ch’sais pas, ça donne tout de suite moins envie, une vraie couverture WTF. C’est quoi cet espèce de minot sapé pour le 14 juillet ? Et puis franchement, ça ne colle pas du tout avec le titre...

Mais bon, tant pis, maintenant que j’ai le livre, j’y vais, et puis zut, WTF. 

De toutes manières j’ai dit dernièrement que j’avais envie d’avoir les godasses solidement plantées dans la terre, quitte à surfer sur de la bouse, alors j’allais certainement pas me débiner pour un si futile prétexte face à ce troupeau d’Aubrac qui m’attendait là-bas, quelque part sur le plateau. A propos de plateau, c’est justement parce que j’espérais retrouver dans ce roman l’ambiance qui m’avait ensorcelée dans ceux de Franck Bouysse, Grossir le ciel ou Plateau, que j’ai entrepris cette lecture. Je voulais du rural, du bouseux, du crottin, du taiseux, du paumé et aussi, je voulais du noir, du bon vieux noir caca d’oie, et une bonne dose encore s’il vous plaît ! 

Du coup, puisque j’en parle, je balance tout de suite : j’ai pas été servie à hauteur de mes espérances et dans le jeu des sept familles si Franck Bouysse est le père, Colin Niel est le fils, encore un peu jeune. Après, c’est pas que je n’ai pas aimé le livre, non pas du tout, y’a du bon, je pose juste quelques petites réserves.
Niveau bouse et crottin, check, servie. Niveau noir et désespérant, check, servie. Et pour être honnête, il me faut ajouter niveau intrigue et surprise, check, servie.


Ça se passe dans le genre de coin où on se déteste depuis des générations sans plus vraiment savoir pour quelle raison. Le grand père de l’un a détourné un cours d’eau vers sa propriété pour abreuver ses bêtes ? Ou alors l’arrière grand-père de l’autre empiétait sans vergogne sur la parcelle des voisins ? On ne sait plus trop bien pourquoi donc mais c’est la règle, on peut pas se blairer et après-tout, WTF ? De toutes manières y’a que ça à foutre.


Le genre de coin aussi où les hommes sont si seuls qu’il faudrait tous les inscrire à l’Amour est dans le pré, ils sont si seuls qu’ils deviennent fous parfois et on les comprend. Enfin dans une certaine mesure, parce que si ta seule issue pour avoir une femme c’est d’adopter un cadavre, on entre tout de suite dans une autre dimension de l’amour, j’dis ça, j’dis rien… Désespoir absolu, moi celui qui m’a le plus foutu les boules dans ce bouquin c’est le père Coudat, “Un vieil homme pour qui le mot célibataire avait un sens tout particulier. Toute sa vie il l’avait déroulée seul avec son cheptel bovin et à sa mort, il savait qu’il n’y aurait plus personne pour prendre la suite. Il avait renoncé même à s’en préoccuper, sa ferme allait partir en morceaux, c’était inévitable. C’était un vieillard attachant, plein de mélancolie, qui parfois me parlait de son célibat, qui m’avait avoué n’avoir connu aucune femme. Jamais je n’oublierai ces paroles poignantes qu’un jour il avait prononcées à demi-voix, peu après ses quatre-vingt ans. C’est dommage, c’est tellement dommage, disait-il. Et enfoncé dans son fauteuil aussi vieux que lui, lui qui toujours avait veillé à se préserver, à rester digne comme le font les gens d’ici, il s’était mis à pleurer.” Mais bordel, moi aussi je chiale quand je lis ça ! Mélancolie ? Dommage ? Putain les euphémismes… Rester digne, pffff mais bordel c’est quoi c’te vie ? Quatre-vingt ans ? Je défaille. Comme dirait Alice chez Lewis Caroll : How long is forever ? Et je réponds à la place du lapin blanc : Mais c’est beaucoup trop long ma jolie, beaucoup trop long...


Bon voilà, ça pose le décor je pense. Après ça, y’a plus qu’à la fermer.


Donc bon oui, c’est bien le genre de livre que je pensais trouver. Et même qu’à ce stade ça devient carrément ridicule de parler de mes petites réserves à la mords-moi le nœud, ben ouais quoi, moi aussi je sais rester digne. Y’a des trucs qui me clouent le bec, merci père Coudat.

Moralité, seul sur le causse, les yeux dans l’eau, le rêve était trop beau.... Pour rester raccord avec la chanson, y’a  même une histoire de pays loin là bas.
Ah oui tiens, juste un dernier truc, vers la fin on comprend mieux la couverture WTF mais bon, j’aurais pas fait ça quand même ;)


Des crottes de biques

" Des jours comme ça où t'attends juste d'être demain pour recommencer à attendre encore, j'en ai connu des centaines." 

Quatrième de couverture : Une femme a disparu. Sa voiture est retrouvée au départ d’un sentier de randonnée qui fait l’ascension vers le plateau où survivent quelques fermes habitées par des hommes seuls. Alors que les gendarmes n’ont aucune piste et que l’hiver impose sa loi, plusieurs personnes se savent pourtant liées à cette disparition. Tour à tour, elles prennent la parole et chacune a son secret, presque aussi précieux que sa propre vie. Et si le chemin qui mène à la vérité manque autant d’oxygène que les hauteurs du ciel qui ici écrase les vivants, c’est que cette histoire a commencé loin, bien loin de cette montagne sauvage où l’on est séparé de tout, sur un autre continent où les désirs d’ici battent la chamade.Avec ce roman choral, Colin Niel orchestre un récit saisissant dans une campagne où le monde n’arrive que par rêves interposés. Sur le causse, cette immense île plate où tiennent quelques naufragés, il y a bien des endroits où dissimuler une femme, vivante ou morte, et plus d’une misère dans le cœur des hommes.

J'aurais plutôt vu une couverture comme ça moi, qui donne envie de se perdre sur le causse...








Commentaires

  1. Fuck tes petits bémols de rien du tout! J'ai très envie de foncer à la rencontre de ce père Coudat et d'en chialer un bon coup. J'avais levé le nez sur cette couverture et passé mon chemin. Ben là, tu me fais reculer d'aplomb. Je veux lire ça, moi!

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    1. Attention madame Couette, ne négligeons pas les bémols... Mais que pouvais-je dire après avoir vu pleurer le vieux, hein, je vous le demande !? Suis pas une sans cœur non plus, pas tout à fait encore. Tu prendras le livre par derrière et tout ira bien.
      Je te l’aurais bien envoyé mais il appartient à la médiathèque (je vole peut-être les verres mais pas les livres, j’ai des principes)

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    2. Le verre est déjà un exploit. Je suis reconnue pour inciter à la débauche et à la rébellion, mais jamais pour des livres! Je crois bien que je vais tout de même me lancer... pour le roman, hein!

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    3. T'inquiète, j'ai pas besoin d'incitation pour la débauche ou la rébellion ^^
      Par contre j'aime bien la bonne compagnie pour ça, vivement que je vienne te voir !

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  2. J'attends encore de trouver deux pépites québécoises à t'envoyer. J'en ai une, ne manque plus que l'autre!

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  3. Putain, je connaissais même pas WTF. J'ai dû aller voir sur Wikipedia pour apprendre la vie et le fuck...

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    1. La langue des bisons est sans doute beaucoup plus fleurie que ça, tu pouvais pas connaitre cette expression de rat des villes c'est normal.
      En tout cas, te voilà aware et complètement à la page sur la vie, le fuck l'univers et le reste.

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  4. Au début, tu le prends par derrière et après tu t'étonnes "ma jolie" que c'est beaucoup trop long... Tiens donc, je crois que j'ai basculé dans un autre roman d'un tout autre genre...

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    1. Ha ha, toujours sur le fil toi, et avec 4 pattes j'admets que ça doit pas être évident de ne pas basculer. Mais il y a effectivement de quoi s'étonner.

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  5. Vous semblez bien plus douée pour les photos que pour les critiques littéraires. Pensez à une reconversion. Rapide.

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    1. À quel moment est-il question de critique littéraire ? J’ai dû louper un épisode. Mais bon, quoiqu’il en soit, WTF, c’est pas obligatoire de me lire hein!

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    2. Brelan d'as, où est-il question ici de critique littéraire? Nulle part, à ma connaissance. Ici, nous sommes dans le ressenti, dans le bien senti. Ce blogue fait partie de mes préférés. J'aime le ton, j'aime la tournure des mots. Il y a de la fraîcheur, ici. Dans la marée consensuelle de la blogosphère littéraire, ça fait un bien fou. Comme le dit bien Rebecca, vous n'êtes pas tenu de passer par ici pour lire ces mots qui ne semble pas vous plaire. Avez-vous un blogue de critique littéraire? Je serais bien curieuse de passer y faire un tour...

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    3. Oh chère madame Couette, vous avez une âme de chevalier servant ! Merci j’apprécie 😘 mais ne perdez pas votre temps contre des moulins à vent, je suis pour la liberté d’expression et contre la polémique. Donc j’ai une astuce des plus utiles : je laisse pisser...

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