Plateau, Franck Bouysse
Enfilez vos grosses godasses, avec Franck Bouysse on va marcher dans le fumier ! Je l’avais quitté dans les Cévennes (avec le magnifique Grossir le ciel) et voici que je le retrouve sur le plateau de Millevaches en compagnie de Virgile, Georges, Karl et les autres. Et c’est toujours le même monde isolé, rude et taiseux, un monde de paysans, un monde dans lequel on n’a pas souvent les mots pour exprimer ses sentiments et dans lequel on enterre plus ou moins profondément de vieilles haines et de vieux secrets sur plusieurs générations. Sauf que les secrets ça a beau peser lourd mais bizarrement ça ne s’enfonce pas puisque ça finit toujours par remonter à la surface d’une manière ou d’une autre. Avec ou sans dommages collatéraux. Bien sûr, dans ce cas, ce sera avec (on s’en doutait car avec Franck Bouysse c’est toujours noir, opaque, et brut de décoffrage).
J’aime vraiment beaucoup cet auteur qui a un véritable don pour conférer à ses personnages et aux lieux une aura quasi mystique et une dimension tragique d’une grande beauté. Je ne sais pas comment il s’y prend mais on dirait qu’il arrive à se glisser dans le coeur (et le corps, et la tête, alouette !!) de chacun de ses personnages et par là même à les comprendre et à nous les faire comprendre intimement. Franck Bouysse a le chic aussi pour dégoter des lieux plus paumés les uns que les autres, avec des camaïeux de gris (le ciel, le moral, les gens) et de marronnasse (la terre, la boue), bref du rural mais pas du rural de pacotille : on est loin du charme de la campagne (anglaise ou autre) que l’on peut s’imaginer quand on idéalise la chose ou qu’on y cherche un petit côté romantique. Parce que pour le romantisme, c’est pareil, passez votre chemin, c’est pas sur le Plateau que ça se passe ! Eh oui en effet, chez ces gens-là. Monsieur, on ne cause pas, Monsieur, comme dirait Brel, on ne conte pas fleurette et on ne s'embarrasse pas avec le romantisme, même quand il s’agit d’amour. Mais attention, malgré tout, de l’amour il y en a car Virgile doit véritablement aimer sa Judith pour lui faire ce qu’il fait, il doit vraiment aimer son neveu Georges pour faire pour lui ce qu’il fait pour lui. C’est vague je sais, mais je ne vais pas expliquer davantage pour éviter d’en dire trop, en fait je peux juste dire une chose : ce n’est pas évident à entrevoir ce genre d’amour, mais il faut essayer de se mettre dans la peau des gens et alors tout devient évident…
Une lecture dont on ressort quelque peu chamboulé, je vous préviens : c’est âpre, noir et poétique, bref tout ce que j’aime. Sans conteste, je suis fan !
Une p'tite phrase au hasard :
" Une lucidité viscérale l'a toujours préservé de toute forme de bonheur."
Quatrième de couverture : Plateau, c’est un hameau en Haute-Corrèze où réside un couple de vieux paysans, Virgile et Judith. Judith, est maintenant atteinte d’Alzheimer, elle oublie tout sauf une chose : elle a mal vécu l’absence d’enfant dans le foyer. Le couple a élevé Georges, ce neveu dont les parents sont morts d'un accident de voiture alors qu'il avait cinq ans. Maintenant Georges vit dans une caravane face à la maison de Virgile et Judith. Alors lorsqu’une jeune femme emménage chez Georges, lorsqu’un ancien boxeur, Karl, tiraillé entre ses pulsions sexuelles et sa croyance en Dieu vient s’installer dans une maison du hameau et qu’un mystérieux chasseur sans visage rôde alentour, Plateau prend des allures de village où toutes les passions se déchaînent.
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