HHhH, Laurent Binet

HHhH, Laurent Binet


FFfF, moi aussi - sur le même modèle -  je dégaine mes quatre lettres. FFfF pour « Fuck Fuck fuck Fuck », parce que là, faut exorciser, mais grave ! Alors oui, d’aucuns pourraient trouver ça vulgaire, mais pour ma part, ce que je trouve vraiment dégueulasse, c’est cet alignement de H, je vous laisse juger : HHhH pour « Himmlers Hirn heißt Heydrich », littéralement « le cerveau de Himmler s'appelle Heydrich ». Pouah ! Eh ouais, ça calme tout de suite hein ? Alors comme ça on part du postulat qu’Himmler a un cerveau ? Et où ça le cerveau ? Juste à côté de la croix gammée brandée sur le cul ? Décidément ces (saletés de) nazis ont un certain sens de la plaisanterie qui me laisse songeuse (et vaguement nauséeuse).

Blague et vomi à part, j’ai vraiment beaucoup aimé ce très surprenant livre. J’en ai lu un bon paquet sur le sujet mais un comme ça, jamais. Quelle bonne idée que de lutter contre la tentation de romancer à outrance, quelle bonne idée que d’exposer ses dilemmes d’écriture et le processus d’enquête. Résultat, un bouquin hyper vivant et impossible à lâcher.
J’ai eu l’impression de suivre un cours (ou une conférence) délivré par un professeur comme on n’en rencontre pas souvent dans sa vie (j’ai eu la chance d’en avoir un, un vieil archéologue libanais qui a su rendre vivante et tellement proche la Syrie paléochrétienne que je m’en souviendrai toujours). Laurent Binet nous entraîne dans son sillage, il nous fait partager son obsession et son admiration pour les deux parachutistes de l'opération Anthropoid, Jozef Gabčík et Jan Kubiš (objectif, buter Heydrich). 
J’ai eu l’impression aussi de voir un film tellement le découpage est aux p’tits oignons et percutant, Inglourious Basterds vous voyez le genre ? Avec Christoph Walz dans le rôle de Reinhard Heydrich, le fameux cerveau, la Bête Blonde, le Boucher de Prague (sans déconner ça me fait chier de mettre des majuscules à ses surnoms, beurk beurk beurk). Ok je retire ce que j’ai dit, c’est pas sympa pour Christoph Walz. oOooups ! Stop j’arrête mon blabla, je viens de me rendre compte que je dois sortir de ma grotte de temps en temps : en réalité il EXISTE un film tiré de ce livre. Sorry. N’empêche ce que j’ai dit reste vrai, même en lisant simplement le livre on a déjà l’impression d’avoir vu un film. Et en plus maintenant que j’y pense, je le savais que ce film existait, mais comme j’essaye d’avoir le moins d’infos possibles avant de me lancer dans une lecture, j’avais complètement zappé. Bref, rien de grave.

Ce qui est grave par contre, c’est cette histoire, toutes ces choses qu’on arrive encore à apprendre quand on lit sur le sujet, cet inépuisable puits d’horreurs, de monstruosités, plus on en lit, plus on comprend ce que réellement signifie la formule qui peut sembler parfois convenue de "Crime contre l’humanité".
Si je vais un jour à Prague, je ne manquerai pas de faire un pèlerinage sur le lieu de l’attaque contre Heydrich (a priori transformé à présent en une bretelle d’autoroute) et à l’emplacement de l’église où les parachutistes retranchés ont vécu leurs dernières heures.
Terrible et admirable, un livre où on sait dès le début que c’est sans espoir mais où à chaque instant on a envie d’y croire, de leur crier, fuyez, sauvez-vous, tout en croisant les doigts à s'en faire mal... Et, petite satisfaction mesquine avant d’en finir, j’ai l’impression que Laurent Binet n’a pas davantage que moi apprécié la lecture des Bienveillantes qui m’avait poussée à déclarer forfait après 120 laborieuses pages avec un Auf Wiedersehen de soulagement...


Une p'tite phrase au hasard : 



" Quand je regarde les actualités, quand je lis le journal, quand je rencontre des gens, quand je fréquente des cercles d'amis et de connaissances, quand je vois comment chacun se débat et se glisse comme il peut dans les sinuosités absurdes de la vie, je me dis que le monde est ridicule, émouvant et cruel." 


Quatrième de couverture : Prague, 1942, opération « Anthropoïde » : deux parachutistes tchèques sont chargés par Londres d'assassiner Reinhard Heydrich, le chef de la Gestapo et des services secrets nazis, le planificateur de la Solution finale, le « bourreau de Prague ». Heydrich, le bras droit d'Himmler. Chez les SS, on dit de lui : « HHhH ». Himmlers Hirn heiβt Heydrich – le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich. Dans ce livre, les faits relatés comme les personnages sont authentiques. Pourtant, une autre guerre se fait jour, celle que livre la fiction romanesque à la vérité historique. L'auteur doit résister à la tentation de romancer. Il faut bien, cependant, mener l'histoire à son terme…

Commentaires

  1. Au fait, tout fout'l' camp, je commence à écrire mes billets dans le désordre... J'en avais un autre à faire avant celui-ci mais pas moyen de me le sortir de la tête alors j'ai bousculé un peu le planning. Et toc, FFfF les principes ! (ouais parce qu'un autre principe que j'ai jeté aux orties aujourd'hui c'est de ne pas écrire de chez moi, pffff, malheureuse !)

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    1. pFFfF, moi aussi ça m'arrive tout le temps d'écrire des billets dans le désordre et de les publier encore dans un autre ordre... Alors les principes... Le seul que j'essaie de respecter c'est de boire un verre en même temps que j'écris... FFfF, c'est peut-être pour ça que c'est dans le désordre ?

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    2. De toutes manières les principes de bison ça doit être très différent, le commun des mortels ne peut pas saisir. En tout cas si tu ne bois qu'un verre c'est que tu écris vite ;)

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  2. Ok il va falloir que je lise ce livre, c'est nécessaire à ce stade et puis tu me tentes encore plus avec cette unique citation qui me parle énormément. Je suis en pleine crise amoureuse, existentielle et il va falloir que je relativise tout ça, quel bon moyen que de se pencher sur des romans historiques, de guerre pour que je prenne conscience que ce que je vis bah c'est rien du tout et il y a pire. Je voulais lire les Bienveillantes du coup mais j'en entends tellement de mauvaises critiques qu'il me fait encore plus peur.

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    1. J'ai fait une indigestion aux Bienveillantes mais HHhH n'a clairement rien à voir. Après, concernant la crise existentielle, je ne sais pas si ce qui aide c'est de voir qu'il y a pire ailleurs, par contre ce je dont je suis absolument certaine c'est que de lire un bon bouquin ça aide toujours à s'évader de son quotidien et de ses soucis. Et ça marche même si le livre ne parle pas de choses atroces ou tristes.
      Je parle en connaissance de cause, étant moi même en pleine midlife crisis ;)

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  3. Je devrais peut-être me mettre aussi à lire des romans historiques... FFfF, trop long les bienveillantes, je n'aurais jamais le courage... Mais celui-là pourquoi pas... surtout s'il donne envie après de faire un pèlerinage sur une brettelle d'autoroute...

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    1. Je trouve que HHhH n'est pas vraiment un roman historique (accro au genre dans ma jeunesse, j'ai aussi arrêté d'en lire étant souvent déçue par le style et le côté romancé), c'est plutôt une enquête sur la construction d'un roman historique où l'auteur raconte quand même ce qui s'est passé à Prague ce jour là.
      Eh sinon oui, la bretelle d'autoroute c'est sympa comme pèlerinage, ça montre bien que l'histoire fini toujours par s'effacer d'une manière ou d'une autre.

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  4. J'ai vu le film, hélas pas à la hauteur du roman.
    La p'tite phrase au hasard ne sortirait elle pas de la charmante bouche de Mme Heydrich ? Cette jolie blonde était plus nazie qu'Hitler j'ai l'impression et regrettait bien que cette fichue guerre l'éloigne des soirées de l'ambassadeur qu'elle prisait tant.. une petite personne détestable.
    Je crois que je vais m'offrir ce livre classé comme l'un des 10meilleurs de la décennie.
    Javais aussi lâché les Bienveillantes... trop lourd :-)

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    1. Clairement je ne veux pas voir ce film qui n'a a priori rien compris au livre ! J'ai quelques trucs dessus, en fait le film se concentre sur le fait historique mais laisse complètement de côté l'interrogation sur le rôle de celui qui raconte l'Histoire et c'est justement ce qui est intéressant là dedans.
      Concernant la phrase, non elle ne sort pas de Frau HHhH, c'est l'auteur qui parle.
      Si tu veux, je peux t'envoyer le livre, tu pourras constater qu'il pèse effectivement moins lourd que les Bienveillantes et qu'il innove un peu dans le genre roman historique.

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  5. Oui le film évoque trop peu la personnalité de Heydrich. Par contre il et on s'attache aux jeunes hongrois par contre.

    Oh c'est gentil mais je devrais le trouver facilement. Merci.

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